Meredith a dix ans.
C’était un certain premier avril, le soleil brillait dans le ciel, les oiseaux chantaient, les enfants riaient dans le parc. Mais dans un petit coin du bac à sable, une fillette pleurait. Elle devait avoir dix ans, ses cheveux blonds s’étaient emmêlés et cachait une partie de son visage pâle, baigné de larmes. La personne qui devait être sa sœur se tenait à côté d’elle en la serrant par les épaules, elle avait une quinzaine d’années. La petite pleurait toutes les larmes de son corps, personne ne savait pourquoi, la fillette avait droit à des regards indiscrets des passants mais elle s’en fichait totalement. Sa sœur, elle aussi, avait les yeux brillants et regardait le ciel en soupirant, la bouche déformée par cette envie de crier que peu de gens connaissent à leur âge.
«
Pourquoi vous devez encore en parler ? » Soupira une jeune fille blonde, assise à une table en plastique dans un restaurant. «
Il est mort, pourquoi vous devez tout le temps en parler ? Ca ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. » Evidemment, cette remarque, Meredith, car c’était son prénom, la regretta immédiatement. Personne ne s’était remis de la mort de Christophe, le père de famille. Mort en Irak pour son pays. Les trois jeunes femmes attablées avaient toutes les trois eu une autre façon de réagir. La mère avait plus ou moins sombré et ne se levait que pour manger, elle s’enfermait dans sa chambre pendant des jours et pleurait la mort de son mari. La grande sœur, Delilah, montrait sa détresse dans des accès de colères fréquents et rejetait la faute sur les autres. La plus jeune, Meredith, refoulait son chagrin, elle en comprenait pas que les deux autres femmes aient constamment besoin d’en parler même des mois après le drame. Elle ne voulait pas oublier, mais en parler a chaque fois pour plomber l’ambiance, non merci. Elle se leva et déclara «
Continuez sans moi, je vais prendre l’air. » Elle ne laissa pas aux autres le temps de répondre qu’elle était déjà dehors.
Meredith a quinze ans.
«
Je suis désolé » C’était la phrase typique du médecin qui venait vous annoncer une mauvaise nouvelle. Phrase que Meredith avait entendu trop de fois dans sa vie, phrase maudite. Elle n’osa même pas regarder l’homme dans les yeux. Alors que son monde venait a peine de se reconstruire, après avoir remonté la pente de la mort de son père, la jeune fille devait a présent faire face à celle de sa mère. Cette dernière avait vraiment mal prit la mort de son mari et avait sombré dans la dépression, puis l’alcool, en passant par la folie. Ces interminables nuits à pleurer ou à crier dans sa chambre, seule, alors que ses filles étaient sorties ou endormies, tout cela était fini à présent. Elle avait été hospitalisée tard dans la nuit après une overdose de je en sais quelle substance. Meredith était heureuse que sa mère ait enfin trouvé le bonheur, la paix, mais à présent, elle se retrouvait avec sa sœur qui avait à peine dix-sept ans et n’était majeur que depuis peu.
«
Alors, Meredith, toujours pas de petit ami ? Tu sais que je vais me fiancer dans une semaine ? » Meredith lança un regard assassin à sa cousine. Impossible pour quelqu’un qui ne les voyait pas de deviner qu’elles étaient du même sang. Elles étaient comme l’eau et le feu, le jour et la nuit. Meredith, la jeune fille douce et discrète face à sa cousine qui, elle, était d’une prétention sans pareilles, la seule chose qu’elles avaient en commun était la blondeur de leurs cheveux, commune à toute la famille, ainsi que la couleur de leurs yeux. «
Franchement, tu crois que j’ai que ca à faire ? » En vérité, Meredith était bien sortie avec des garçons, mais ca avait toujours mal tourné, ou par casser. Elle n’accordait pas de forte importance à ca. Elle n’avait que peu d’amis, alors les amourettes, vous pouvez oublier ! Le plus étrange est qu’elle ne souffrait en aucun cas de ce manque d’amis. Elle vivait très bien sa solitude…
Meredith a vingt ans.
La sonnette de l’appartement retentit. Delilah se précipita pour aller ouvrir : une jeune homme se trouvait sur le pas de la porte. C’était surement pour Meredith. «
MEREDITH ! Quelqu’un à la porte pour toi ! » Le bruit que firent les escaliers lorsque Meredith descendit fut assourdissant. «
Je vous laisse. » Delilah avait toujours su faire preuve de tact avec sa petite sœur. «
Qu’est ce que tu me veux à quatre heures du matin ? » «
Il faut que je te demande quelque chose. » ll regarda la jeune femme de la tête aux pieds. Elle était en nuisette, le tissu jaune du vêtement laissa apparaitre ses formes et elle rougit lorsqu’elle remarqua qu’il l’observait. «
Oui, vas-y. » Un long silence suivit, on n’entendait plus que le bruit que faisaient les gouttes de pluie qui tombaient sur les dalles de l’allée. Il soupira et plongea son regard dans celui de Meredith «
Dis moi, Meredith, tu as déjà aimé quelqu’un ? » La question déstabilisa immédiatement la jeune femme qui écarquilla les yeux de stupeur. Elle ne sut que répondre, bien sur qu’elle avait aimé mais elle n’y avait jamais grandement réfléchi. «
Tu es venu chez moi à quatre heures du matin pour me demander ca ? » Elle enroula une mèche de ses cheveux blonds autour de ses doigts en signe de nervosité. «
Contente-toi de répondre. » «
Je… Je crois oui. » «
Eh bien moi aussi. » Il la regarda un petit moment avant de tourner les talons. Le cœur de Meredith battait tellement fort qu’il aurait pu lui arracher la poitrine. Elle ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir et de voir que le jeune homme état presque arrivé à la clôture. « Attends ! » Elle courut alors vers lui et se jeta à son cou. L’eau qui tombait du ciel les trempait totalement mais ils s’en fichaient. C’est en cette nuit d’octobre qu’elle embrassa son premier et dernier compagnon.
«
Je te laisse, Meredith. » Elle ne pu pas y croire, la voix qui l’avait si souvent bercée, qui l’avait consolée et fait rire venait de lui annoncer la pire chose de sa vie. Ensemble depuis trois ans maintenant, il avait choisi de la laisser maintenant, maintenant qu’elle était à nouveau bien… «
Pourquoi… » Aucune intonation n’avait été apportée à cette question, elle l’avait posé machinalement posée sans réfléchir à ce qu’il pourrait répondre, il aurait très bien pu lui dire qu’il ne l’aimait plus qu’elle l’aurait cru… «
Je dois partir pour les études, et puis il faut dire que ce n’est pas ici qu’on va réussir notre vie. » Il quitta la pièce en laissant Meredith seule avec ses larmes, mais avant de fermer la porte, il fit volte face et regarda la fille qu’il avait tant aimé. «
Meredith, je t’ai aimée, je t’aime et je t’aimerais toujours. » Elle leva la tête pour plonger une dernière fois son regard océan dans celui qu’elle ne reverrait certainement plus…
«
J’ai une vie de MERDE ! » Hurla Meredith en claquant la porte de sa chambre. Presque aussitôt, sa sœur accourut pour voir ce qu’il se passait. «
Qu’est ce qui se passe ici ? » En voyant sa sœur assise, la mains dans ses mains, le vent qui venait de la fenêtre ouverte ébouriffant ses cheveux, elle eut l’impression de revivre le jour où elles avaient perdu leur père. Elle s’assit à côté d’elle et passa un bras rassurant autour de ses épaules.
Meredith a vingt-cinq ans.
«
Dis Meredith, ce serait pas… » «
Si je crois… » Dans la petite ville de Johnson Creek, lorsque quelque chose se passait, tout le monde le savait. Le retour d’un enfant du pays était le sujet favori des commères. Meredith et Delilah se trouvaient dans un petit café, au coin d’une rue, où elles avaient toutes deux aperçu l’homme responsable du malheur de la jeune femme. Il avait les mêmes cheveux châtains et les yeux verts que lui. Elle l’observa marcher dans la rue, il semblait parfaitement à l’aise dans la ville. Elle ne put s’empêcher de soupirer, si seulement c’était lui… Mais au moment ou la clochette qui annonçait l’entrée d’un client tinta, Meredith tourna la tête et vit qu’il la regardait. Aucun doute, c’était bien Lui, avec un L majuscule. Elle sentit ses joues virer au rouge pivoine mais détourna le regard et tourna la tête vers Delilah «
Parle moi, de n’importe quoi mais il ne faut pas qu’il sache que je l’ai reconnu. » Elle commença alors a parler politique, ce qui n’était pas le sujet favori de Meredith. Une main se posa alors sur son épaule. « Je sais que tu m’as reconnu…[/color] » «
Laisse-moi tranquille. » Elle n’avait même pas daigné tourner la tête.